La vérité est nue.
Quelle est cette Chine? Où est la Chine dont j’ai rêvé? Elle demeure encore dans les campagnes.
Les villes que j’ai traversées me font penser à la systématisation entreprise en Roumanie.
Mais ici, c’est une systématisation continue, aliénante et destructrice pour les âmes.
Je plains cette Chine qui a souffert, qui a commis l’irréparable.
Je hais cette révolution culturelle qui a détruit un passé millénaire.
La route qui mène à Xiahe est une bouffée d’air frais.
Des villages traditionnels montrent leurs toits de tuile et leurs petites portes au milieu d’une verdure ondoyante.
Les collines sont chargées d’une végétation chaleureuse.
J’aime cette nature, cette liberté, ces champs qui ondulent et jaunissent paisiblement au soleil.
Labrang, monastère bouddhiste: les moulins à prières grincent sans discontinuer sous la foi des fidèles.
Cette enfilade de rouleaux ne semble pas avoir de fin, comme ces hommes, ces femmes, qui avancent en psalmodiant aux rythmes des sutras.
De vieilles femmes tibétaines portent à leur front l’unique image que je possède du Dalaï Lama. Leurs mains glissent le long de leurs yeux, comme autant de larmes et de peines
muettes. Deux gestes simples, poignants, directs.
La vérité est nue.
Jeudi 31 juillet
Xiahe
Il lui manque l’essentiel.
Il est presque dix heures et la pluie tombe toujours. C’est riste, cette pluie. Xiahe montre peut-être son vrai visage, celui d’une mélancolie, celui d’un mur. J’ai l’impression d’être spectateur d’une pièce de théâtre, le décor et les figurants jouant un texte muet. C’est un joli village, Xiahe. Il lui manque l’essentiel : une âme, un espoir. On peut reconstruire des temples mais l’âme ?